Faites Fortune!

Physique & Caractère

Fortune n'est pas le genre de fille que l'on remarque au premier coup d'oeil. Discrète, presque invisible. Le regard perdu, l'esprit tout autant. Au premier abord, c'est une personne désagréable. Peut-être hautaine, sûrement antisociale. Après tout, pour rêvasser autant, elle ne doit pas vous porter beaucoup d'intérêt, n'est-ce pas? C'est si frustrant, une personne qui ne vous voit pas. Un peu comme elle, on ne la voit jamais. Fortune, c'est le personnage non-joueur du village des débutants. Pas celui qui vous propose une quête, non. Pas l'enfant qui court depuis tout à l'heure. C'est cette villageoise charmante, mais sans aucun dialogue. Peut-elle parler? Bien sûr qu'elle peut, mais le désire-t'elle? Quand bien même, elle n'oserait pas. Derrière cette distance qu'elle impose, se cache une volonté de bien faire. "Suis-je intéressante?" "Le suis-je assez que pour définir le sujet de notre discussion?" "Ce regard, j'ai quelque chose sur le visage?" Au fond, tout se répète inlassablement. "Arrête de me fixer comme ça, j'ai rien à dire!" "Mais pourquoi tu me parles?! Laisse-moi!"

J'aurais aimé vous décrire une fille plus originale, plus unique, plus déprimante peut-être, plus sombre, ou plus lumineuse au contraire. Fortune est une fille banale qui manque de confiance en elle. Cependant, qui dit manque de confiance dit aussi comportement surprenant. Auriez-vous la patience de découvrir la jeune fille dans toute son honnêteté? Franche, incisive, fonceuse, maladroite, mauvaise perdante, tant d'adjectifs qui ne qualifient pas la Fortune au tableau, mais qui collent à la peau de celle qu'elle est réellement. Si son rôle d'élève moyenne lui assure la tranquillité, il est terriblement loin de sa véritable personnalité.  

À l'image de son prénom, sa chevelure est d'or. Ses grands yeux bleus sont ceux d'un serpent, tant leur forme est en amande. Mais surtout, ce qui fait de Fortune un véritable trésor, ce sont ses lèvres. Fines, délicates, on peut apercevoir, lorsqu'elle soupire, une petite canine. La peau de la jeune fille est douce, sans imperfection. On peut deviner aisément le soin qu'elle prend d'elle à son corps fin et élancé, à son ventre plat, à ses traits fins et ses couettes habilement nouées. Mais tout comme sa confiance disparue, son apparence est le reflet de son hypocrisie. Lorsqu'elle est seule, Fortune se laisse entièrement sombrer dans la crasse. Il suffit d'une semaine de vacances pour voir naître autour de ce visage d'ange des miettes de chips, un monticule de déchets et surtout une montagne de vêtements sales.

Cette attitude est un symptôme de son passé. Un passé invisible, comme elle depuis cinq longues années...    

Histoire

Les parents de Fortune sont aisés, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais depuis combien de temps? En réalité, si Fortune n'avait pas existé, cette famille ne serait jamais devenue riche. C'est bien pour cela qu'elle porte ce prénom, à dire vrai. Née à Londres entourée d'une très belle et grande assemblée, le bébé Fortune était incroyablement attendu. En effet, elle est la benjamine d'une famille de quatre enfants. Chacun d'eux était d'une beauté époustouflante. Les parents, mannequins, étaient fiers de leurs gênes et de ce résultat sans faille. Si la mère de Fortune était "à la retraite", c'est parce que son corps ne parvenait plus à garder de sa beauté après tant d'enfants. Non pas que les grossesses furent complexes, mais même la plus aisée des mises au monde est épuisante. Leurs trois premiers leur permis de gagner beaucoup d'argent : Ils devinrent tous modèles dès la naissance. Bien sûr, pour certains cela ne dura que quelques années, avant qu'ils ne choisissent d'eux-même de quitter ce milieu. Les Spencer sont très compréhensifs, et n'ont jamais forcé la main à qui que ce soit.

Enfin, presque. Fortune était un bébé superbe. Encore plus que ses sœurs, encore plus que son frère. Le prénom qu'on lui avait offert était à la hauteur de leurs espérances. Très vite, la folie pris le dessus. Le joli bébé devint une magnifique petite fille. Tout le monde en était dingue : Les magazines se l'arrachaient. L'argent venait de partout, et c'est toute la famille qui était aux anges. Quand Fortune eut 10 ans, elle pensa que c'était sa voie. Son métier. Son avenir. Sa passion.

Pour la dernière fois.

Quand Fortune eut 11 ans et demi, elle comprit que ce ne serait jamais sa voie. Son métier. Que sa passion était vouée à l'échec. Ce jour-là, la lunette des toilettes fut sa seule compagnie. Elle vomit plus que de raison. Tout se mélangeait. Les larmes. Le repas de la veille. Les cris. La peur. La solitude.

Il y avait la veille un shooting impressionnant. Des tas d'enfants castés, sélectionnés, et elle était l'heureuse élue pour la couverture. Comme d'habitude, tout se passait à la perfection. Concentrée, chaque seconde était une nouvelle pose. "Plus à droite." Flash. "Relève-toi." Flash. "Regarde l'objectif." Flash. "Regarde-le!" Flash. "Tu m'écoutes?!" Mais déjà, tout était noir, et Fortune était invisible. Le soir-même, à l'hôpital, sa mère pleurait. C'était une mauvaise journée. Une très mauvaise journée. Mais après celle-là, plus aucune ne fut mauvaise. Ni bonne, d'ailleurs. Une vie ennuyeuse et invisible venait de commencer.

Fortune avait fait sa première crise d'épilepsie. Ses parents ont essayé, en vain, pendant des années, de la convaincre de poursuivre. Qu'il y avait des traitements. Des solutions. Des photographes habitués, qui accepteraient sa condition. Mais pour elle, c'était impossible. La peur de revivre ce moment la paralysait. Elle n'a raconté à personne son ressenti, ce jour-là. Cela peut sembler risible, mais elle n'en fit plus aucune depuis lors. La panique ressentie après cette crise la clouait dans un traumatisme qui, aux yeux de beaucoup, peut être risible. Mais lorsqu'on naît beau, et que tout autour de soi nous tombe dans le bec, le moindre échec peut-être douloureux. Au fond, Fortune n'est qu'une enfant, et elle se borne sur ce qu'elle pense être la fin d'un monde. Non pas que ce soit une maladie à prendre à la légère... Mais elle aurait pu s'estimer heureuse, et poursuivre son but. Mais comment y croire, alors que chaque membre de sa famille peut supporter des heures en studio sans broncher? Elle ignore elle-même la cause réelle de sa crise passée, mais la supposition que ce soit les flash est ce qui la conforte dans son idée.

Plus les années passaient, et plus cela lui semblait insurmontable. Tel un petit ange dont chaque croyant serait admiratif, personne n'osait la forcer, ou la contrarier. Au début, pourtant, ses parents lui posèrent de nombreuses questions... Elle n'avait rien oublier de sa crise. Elle refusait simplement d'en parler.

La seule chose qu'elle ait accepté de dire se limita à trois mots.
"Je resterai invisible."


Depuis lors, Fortune vivait sa jeunesse comme une âme en peine : Discrète, elle se contentait d'étudier, de manger, de dormir. Vie et vide sont deux mots étrangement similaires, non? À dire vrai, depuis cet épisode, Fortune vivait recluse. Chaque jour, elle fuyait les autres. Planquée derrière une image de collégienne sectaire et hautaine, elle passait son temps chez elle. Seule, elle se sentait libre comme l'air. Pendant combien d'heures peut-elle poser devant son miroir, alors que personne ne peut plus capturer ce regard océan?

Avec peu d'amies, si ce n'est le minimum pour la façade, elle refusa le moindre rôle qui puisse la mettre en avant. Ainsi, elle devint complètement inexistante jusqu'au lycée.

Un soir, un complot naquit au sein même des Spencer. Une parole s'éleva au dessus des autres, et quelqu'un réclama justice pour une Fortune si belle, mais si gâtée. Cette voix savait combien cette demoiselle était magnifique; et qu'il était plus que temps de cesser cette mascarade. Devant la demande incongrue, les parents acceptèrent le challenge. Fortune était adorable, elle n'oserait jamais dire non. Alors, le lendemain, le coup de théâtre pris place.

"Nous t'avons inscrit. Papa paie l'examen, ce sera bien tu verras."
"C'est une très belle école, et beaucoup plus proche que l'autre!"
"Comme il y a plein de chouettes clubs, maman est confiante, ca ira!"
"Oui, c'est vrai, puis ils ont fait ça pour t'éviter le trajet, c'est cool non?"

Puis, une voix masculine et renfrognée d'ajouter :

"Fortune, ne m'en veut pas : C'est aussi un internat."


Piégée par sa propre famille. Finira-t'elle par sortir de ce cercle déprimant, devant l'obligation de montrer sa véritable personnalité? Devant une réalité, qu'elle a tant voulu oublier?
Puis,... Après un tel piège, acceptera-t-elle de reparler à son frère?

Cela fait maintenant près de 7 mois que Fortune vit malgré elle. Si elle était parvenue à garder son rôle jusqu'ici, cela ne pouvait plus durer. Depuis son arrivée, elle était confronté à son propre niveau de vie : Elle était une bourgeoise, et c'est à contre cœur qu'elle était classée au dessus des autres. Certains lui portaient intérêt. On lui avait parlé plusieurs fois de l'élite. Elle avait habilement fuit le sujet, prétextant une certaine modestie. Mais ce rôle au second plan lui convient-il vraiment? N'est-elle pas, au fond d'elle, le sujet de l'histoire, le centre de l'image? La beauté et l'argent, que lui manquait-il donc? Rien. Au fond d'elle, elle était jalouse. Sa place aurait pu être meilleure. Faut-il encore qu'elle accepte ce qu'elle est, pour mériter ce dont elle rêve. Et surtout, qu'elle accepte que son rêve soit encore réalisable.



*Il est à préciser que les sœurs de Fortune ont poursuivit leur carrière, et grâce à la notoriété de la famille les finances sont ainsi restées au beau fixe. Cependant, c'est Fortune qui avait le plus eu de succès, et donc de revenus malgré le faible nombre d'années que cela dura.

 

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